LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

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MAD GOD, Art sacré

Animation      Cauchemar     Apocalypse

Phil Tippett

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Si vous n'avez pas les moyens de vous acheter un tableau de maître, sachez que vous pouvez vous procurer cette œuvre d'animation folle et furieuse en édition limitée. La voici dans un superbe transfert Blu-ray qui ne laisse échapper aucun détail de ce travail de titan. 

 

Mad God.

Miroir cauchemardesque de notre monde filant doucement vers sa fin, bâti sur la soumission et l'oppression. Elle est signée par un génie des effets spéciaux qui a offert un bestiaire unique de créatures, mutants et robots à des œuvres majeures comme les sagas Star Wars, Indiana Jones (et le Temple Maudit), Robocop, Twilight et d'autres films cultes comme Piranhas ou Starship Troopers (dont il signa le deuxième volet, oubliable). L'artiste nous livre ici son testament.

Mad God est écrit et réalisé par Phil Tippett. Au terme "écrit", on pourrait substituer "composé". Le scénario est un simple prétexte à une descente aux enfers hallucinée et hallucinante. Nous suivons un "assassin-explorateur" muni d'une carte qui se désagrège à chaque consultation, s'enfonçant sans cesse plus profondément dans les abysses d'un univers effrayant, peuplé de monstres et de titans hurlants, dont les déjections fabriquent des êtres-esclaves œuvrant à l'édification de cités-usines vouées à alimenter cet enfer généralisé. On se doute rapidement que ce conte déviant est quasiment une ode au chaos, chaudron élémentaire et mouvement premier de toute création d'un univers, des conditions de son apparition jusqu'à sa fin.

 

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Plus qu'un récit, Mad God est un parcours, une expérience visuelle et sensorielle. Ce voyage cinématographique, aussi éprouvant que fascinant, s'ouvre sur l'image des cieux se refermant sur la Tour de Babel. Tippett revient aux racines bibliques de la confusion de l'éparpillement des êtres. Sur ce socle d'une fable des origines, ce géant de l'animation va dérouler une succession de tableaux d'apocalypse d'envergure colossale qui emprunte à toutes les formes d'art, de Milton à Jérôme Bosch (certaines créatures évoquent le segment des enfers de son triptyque du Jardin des Délices), en ayant recours à l'art le plus ancien de l'animation image par image et en volume qui ressuscite les premiers temps du septième art.

 

Mad God, une œuvre de référence multipliant les références.

On peut lire dans cet admirable acte de résistance face à la culture du CGI, et de toutes les manipulations et créations d'images par ordinateur, un hommage quasi permanent au célèbre animateur Ray Harryhausen, dont les séquences en stop-motion, des années 50 à la fin des années 70, ont donné naissance aux monstres mythologiques qui surgissaient au cœur d'épiques pépites fantastiques comme Le Septième voyage de Sinbad, Le Voyage Fantastique, Jason et les Argonautes, jusqu'à la version de 1981 du Choc des Titans qui signa la fin de sa carrière, tout comme le déclin du stop-motion rapidement supplanté par les effets numériques.

 

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Tippett multiplie les références-hommages à d'authentiques visionnaires de l'histoire des arts pour mieux célébrer l'acte de créer au sens le plus courageux et le plus noble. Érudit et farceur, Phil Tippett se paye ainsi de savoureux clins d'œil à des films mythiques comme le dystopique Brazil de Gilliam, aux monumentaux 2001 de Kubrick et Tree of Life de Malick dans l'échappée cosmique du final. À propos de Malick, la musique du générique de fin de Mad God emprunte directement à celle de Badlands (La Balade Sauvage), cultissime premier film du poète cinéaste. Loin d'afficher comme un premier de la classe ce catalogue de citations, Phil Tippett cite ces sources tout en s'en amusant et en les détournant, l'humour noir affleurant en permanence. Dans son glorieux délire et sa totale liberté Mad God prend souvent des allures de gigantesque farce macabre. Magistral doigt d'honneur aux règles de la narration comme à celles de l'esthétique et de la bienséance. Sa poésie de la "déchèterie"  épouse les cieux du septième art tout en s'abreuvant aux plus hideux des spectacles.

 

Ce qui me réjouit ici, c'est cette dimension délibérément artisanale de l'entreprise. Visuellement, plastiquement  ce film est un chef-d'oeuvre, un festival de matières. Tout ici s'effondre, s'écrase, explose, suinte, se répand, mais au final, les explorateurs avides de sensations nouvelles que nous sommes, ne peuvent que se régaler de ces visions confinant au sublime. Irradiantes ténèbres, palais des horreurs, sculptés par un travail sur la lumière particulièrement savant. L'idéal, j'insiste, est de contempler cette œuvre  sur le meilleur support possible pour approcher au plus près la pleine matière de chaque figurine et élément de décor. Le Blu-ray n'a donc pas dit son dernier mot.

 

Le plus émouvant, au final, est que ce miracle ne s'est accompli que par et pour l'amour de l'art. Le projet est né il y a trente ans, repris en 2010, puis achevé durant le confinement grâce au principe de financement participatif et au recours au bénévolat d'animateurs professionnels et d'étudiants en cinéma d'animation, tous convaincus de participer là à l'accouchement d'une œuvre qui fera date. À l'arrivée, le spectacle est unique et sans concession. Expérience pénible pour les uns, ravissement pour les autres, Mad God vomit le tiède et n'invite pas à la nuance. C'est un objet filmique non identifiable, rare et donc précieux. Un film culte. D'emblée.

 

 

 

Francisco, 

 

 

 

 

 


 

 

 

  

2021

1h20

Directed by 

Phil Tippett

Writing Credits (in alphabetical order)  

Phil Tippett 

 

Lien IMDB  casting

 

Le Blu-ray     *****        Visuellement, vous avez rendez-vous ici aux enfers du Jardin des Délices. Plastiquement, Mad God est un pur chef-d'oeuvre et ce transfert sublime absolument tout. Amateurs de matières, textures et détails votre séance sera une expérience mémorable !

 

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07/10/2023
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