LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

DEUX JOURS, UNE NUIT, dring ! dring !

Méga drame hyper social        Parodie (involontaire)

Jean-pierre et Luc Dardenne

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Ce matin, j'ai décidé de me fâcher avec tout le monde.

Soit: oser critiquer, voir pilonner un film des frères Dardenne. Exprimer, en quelques mots, à quel point leur dernier brulôt-social-bouleversant m'a consterné. Ne tremblez pas, je suis complètement d'accord avec le fait qu'il est aujourd'hui nécessaire de dénoncer la violence du monde de l'entreprise. Même si je suis mal placé pour le faire étant donné que les méthodes de recrutement et de management ici sur le site mondialement inconnu des Chroniques Ciné sont assez écoeurantes... copinage, moqueries, humiliations, etc...

 

Retour au film. Première séquence. Le film démarre comme un bon vieux court-métrage de fin d'études. C'est le matin. Gros plan sur Marion Cotillard qui dort.  La journée commence, oui, seulement voilà, le téléphone sonne. C'est parti.

Vu le sujet, un sombre pressentiment m'habite. Mais ça, c'est parce que je regarde beaucoup de films et que j'arrive à deviner des trucs. Elle se lève, donc, et dans un long plan-séquence à la Dardenne, elle répond à sa copine Juliette tout en sortant la tarte du four. Normal, on est censé être dans la vraie vie. Et là, gros silence. Marion se fige. On ne la voit que de dos mais comme on est quand même dans un film d'auteur et que du coup les gens de dos on est un peu habitué, on devine alors que l'irréparable vient de se produire. La nouvelle qu'on redoute tous.

 

- Non... Non, Juliette... non...

Et là, putain, on comprend.

C'est toute la force et la magie du cinéma d'auteur. Le spectateur devine par lui-même, qu'elle vient de se faire virer... Bon le film aurait pu s'arrêter là, mais non. Les Dardenne sont bien déterminé à dresser un état des lieux féroce de la détresse sociale. Ça se sent d'emblée. Alors Marion va se battre pour sauver son job. Au début elle pleure. Normal. Mais attention, elle n'est pas seule. Elle aura d'un bout à l'autre le soutien indéfectible de son mari. Un mec bien, hyper attentif et sympa et qui a parfois du mal avec ses dialogues. On le comprend. Difficile de faire plus écrit que ce film.

Le deal,  atroce, et qui en dit long sur la violence du monde de l'entreprise, c'est que si 9 des 16 salariés de sa boite acceptent de s'assoir sur leur prime de 1000 euros et votent pour que Marion reste, elle gardera son job. Vous imaginez un peu?

Ce fil ténu de l'espoir à été tissé par sa copine Juliette. Une super copine qui l'a forcée à rencontrer Dumont. Dumont, c'est le patron de la boite. Ce connard s'apprête à rentrer chez lui, tranquille dans sa belle voiture comme un enfoiré de patron, mais c'est sans compter sur la ténacité des deux héroïnes qui vont chopper l'infâme sur le parking. Pour le patron, les frères Dardenne n'ont fait aucun effort. Le type joue comme un pied. D'ailleurs il reste assis dans sa voiture en fronçant un peu les sourcils. C'est mieux parce qu'un acteur non-professionnel quand il doit jouer debout c'est encore pire.

 

- Ce n'est pas contre vous madame Billat, mais la crise, la concurrence asiatique dans la fabrication de panneaux solaires m'obligent à prendre certaines décisions. À lundi, au revoir.

Sérieux, quel acteur au monde accepterait de mémoriser une telle ligne de dialogue?  Hormis dans le court-métrage de son enfant ?

 

Bon, passons.

Après, Dumont accepte qu'il y ait un nouveau vote pour savoir si les salariés préfèrent Marion ou 1000 euros. Pour nous ici, aux Chroniques où les salaires frôlent l'indécence et où les Porches et Cadillac ont envahi le parking, on se dit que 1000 euros c'est pas grand chose, mais pour ceux qui galèrent c'est le bout du monde. Alors voilà, c'est parti pour deux jours une nuit de rencontres avec les salariés pour tenter de les convaincre. Il y aura un long plan fixe de Marion dans le bus pour ancrer le film dans une réalité sociale et c'est parti. Mais ce sera un long chemin. Parce que la plupart des salariés, rapport à ce que je disais au-dessus, en ont hyper besoin de cet argent. Alors même si certains semblent lâches, se défilent, Jean-Pierre et Luc Dardenne nous font hyper bien comprendre que ce n'est pas aussi simple que ça. En fait, on comprend bien qu'il ne faut pas juger. Le seul monstre dans cette histoire c'est la violence du monde de l'entreprise. Par contre, au bout de trois visites on se dit que ça va quand même être un peu long tout ça.

 

 

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Dring dring !

- Bonjour, excuse-moi de te déranger mais je voulais te demander si t'accepterais de voter pour moi pour que je reste. 

Quand c'est demandé comme ça, on comprend pas bien comment les salariés peuvent refuser. Mais c'est toute l'horreur du système qui est dénoncée ici. Les êtres sont soit piégés. Soit brisés. Soit acculés. Mais il y a aussi ici et là, quelques notes d'espoir. Celui qui pleure parce qu'il a honte d'avoir voté pour la prime. Celui qui dit non puis au final qui votera pour elle. Et puis il y a la violence. Normal, les gens y sont à bout. Notamment à cause de la violence du monde de l'entreprise. Et là, je ne peux pas faire l'impasse sur cette séquence charnière.

 

- T'es qui toi pour nous piquer notre fric !?!

S'exclame un jeune salarié que l'on sent hyper à cran, rapport à la prime de 1000 euros.

La dessus un autre collègue s'interpose. 

Échange d'un coup de poing.

Le violent s'en va, en démarrant à fond, mais le collègue qui s'est interposé est au sol. Inconscient. Marion, qui a été jeté elle aussi au sol, se relève péniblement (c'est le coté puissant du film, elle se relève tout le temps) et s'approche de son collègue d'1 mètre 90 et 110 kg qui est peut-être mort à cause du coup de poing. Elle tente de le ranimer. En vain. Là-dessus son mari, qui attendait dans la voiture arrive. Il va donner des claques au monsieur pour le réveiller. Il est un peu secouriste dans ce film.

 

- Monsieur !  Monsieur !

Difficile de reprendre son souffle dans cette séquence intense et d'une folle crédibilité. Ils décident alors de lui verser l'intégralité d'une bouteille d'eau Cristalline sur la tête. Vu qu'il a plus beaucoup de cheveux, ça fait son petit effet et le collègue revient doucement à lui.

 

- Monsieur !  Monsieur, ça va ?!! Combien j'ai de doigts?

-  ... Trois

Énorme.

Il y a bien trois doigts dans la main du mari sympa. 

La tension retombe d'un coup. Et là non seulement le spectateur reprend son souffle mais le type se tourne vers Marion Cotillard qui joue vraiment bien les femmes à la fois fragile et guerrière et lance :

- Tu peux compter sur moi pour lundi.

Bouleversant.

Trop puissant.

Après ça, on se dit qu'ils ont raison aux Inrocks. On saisit bien, au sortir de cette séquence terrassante, cette "alchimie merveilleuse entre le documentaire, le film à suspense et la fable sociale". 

Aussi, je ne vous dévoilerai pas la fin du film parce que là encore, Marion sera confrontée à un autre aspect de la violence du monde de l'entreprise. Mais l'espoir sera le plus fort. Après son week-end de dingue à la rencontre d'acteurs non-professionnels Marion aura appris trois choses : Se battre, résister et au final, conserver sa dignité. Un peu comme dans la plupart des films américains, mais en beaucoup plus profond...

 

Alors, soudain voici que surgit la question : que sont devenus les puissants auteurs de La Promesse? Du Fils ? Du Silence de Lorna? de Rosetta? 

La Bien-Pensance auteurisante,  quand elle se drape ici avec complaisance de fausse naïveté, d'une démagogique candeur, pour parler de ceux d'en bas, offre pour moi un spectacle assez écoeurant et qui ne rend justice à personne. Marion Cotillard est une bonne actrice, totalement investie dans son rôle, mais l'écriture quasi scolaire de l'ensemble n'entre à aucun moment en cohérence avec sa performance. On tenait ici, en 2014, les prémisses du "Wokisme". Polissage de la pensée, déni de notre part d'ombre et atomisation de la nuance.

Les Dardenne auraient dû jouer la carte à fond et mettre en avant une inconnue. Se mettre un peu en danger et révéler un vrai visage comme à la solide époque de Rosetta. Mais ces deux bergers du social gardent aujourd'hui le petit troupeau des critiques sous l'or de leurs palmes Cannoises. Même si leur système tourne désormais à vide, il est douillet et confortable pour toutes les petites plumes. 

 

Jean-pierre, Luc, ayant adoré pas mal de vos films je vous invite gentiment à vous renouveler d'une manière radicale. Comme des guerriers! Comme Rosetta!  La prochaine fois, je ne sais pas, faites un Western par exemple! Un truc sur la violence du monde des plaines. Parce que dans le fond, rien n'a changé depuis votre film. Là-dessus, nous sommes absolument tous d'accord pour signer.

 

 

Francisco,

 

 

 

 

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  - T'es plus lutte des classes ou vanille ?

 

 

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2014



 

1H35

 

 

LE BLU-RAY       Une photographie naturaliste servie à la perfection. C'est nickel. Si vous êtes contre l'injustice dans le monde et la violence du monde de l'entreprise et que vous aimez la HD, vous allez vous régaler !

 

 

 

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Acteurs:

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08/10/2015
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