LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

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THE GIRLFRIEND EXPERIENCE (S1) solitudes glacées

Série    Drame    Sexe    Complot                                                     

Lodge Kerrigan   Amy Seimetz

*****

 

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Après la foudroyante série The Knick, Steven Soderbergh-producteur vient de poser un nouvel ovni dans le paysage télévisuel.

Extrapolation du film éponyme de Soderbergh-réalisateur (que je n'ai point vu), The Girlfriend Experience en reprend l'argument principal et suit le quotidien de Christine Reade. Stagiaire dans un cabinet d'avocat et Call-girl à ses heures perdues. Sur une poignée des thèmes joliment attractifs, concernants et fédérateurs comme le sexe, l'argent et le pouvoir, les réalisateurs et scénaristes Lodge Kerrigan et Amy Seimetz ont bâti une dérive existentielle, urbaine, luxueuse et désenchantée aussi déstabilisante que fascinante.

 

Prise dans l'écrin d'une mise en scène à l'épure, sans musique, ni effets de montage et aux cadres tirés au cordeau, le personnage de Christine concentre tous les paradoxes. Dans cette série ou il ne se passe pas grand chose mais où tout est suggéré d'une manière admirable elle est à la fois objet de désir et figure désincarnée. La spontanéité de son jeu ne bouscule jamais sa partition d'une "présence-absente". Formidable coup de casting que le choix de la jeune Riley Keough (American Honey, Lovesong, Mad Max Fury Road) dans le rôle principal. Pas une once de vulgarité ne se lit sur ce visage d'une grande élégance. Une allure de jeune étudiante aux regards et aux sourires étranges.

Immense prestation d'actrice.

 

 

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Un rôle difficile, à la fois impudique et tout en non-dits.

C'est avec peu de mots que cette apprentie avocate va piéger ses employeurs par des manoeuvres redoutables et imparables. La même jeune femme enchaînant les rendez-vous sordides dans les plus luxueux hôtels de New-York avec un abandon absolu.

Au-delà de quelques moments de sexualité crue qui ne cache rien des névroses et obsessions de richissimes clients esseulés, on parle bien ici de prostitution, la complaisance n'est pas de mise. L'atmosphère vaporeuse qui entoure ces moments n'est pas là pour titiller le bourrin.

 

Rien ne vient révéler ses raisons. C'est la grande force d'un scénario tout en ellipses.  Pas de jugement ni d'explications. Aucune séance psy ou révélation d'un trauma qui pourrait éclairer le spectateur sur les ressorts du personnage. Hormis une peur panique de la noyade vite suggérée. Christine semble évoluer hors de tout système de valeur et imperméable à toute morale. Le mystère reste entier. L'instant du récit où tout pourrait basculer et ramener le personnage dans le champs de la normalité devient au contraire pour elle l'occasion de réaffirmer aux yeux de tous et de manière irréversible son choix de vie.

 

Mais tout à un prix.

Entre oubli de soi et contrôle, l'identité de la jeune femme semble progressivement s'effacer. Au fil des épisodes, qu'elle se présente comme Christine, "Chelsea"ou même Annabelle, elle devient le miroir d'un vide abyssal. Celui de ses clients, dépeints comme des êtres solitaires, abandonnés aux solitudes glacées de leur suites high-tech. Celui du cabinet d'avocats ou elle travaille. Univers de faux-semblants où l'argent a fait le ménage. Univers truqué de conspirations, d'accords secrets et de manipulations. Une permanence de la corruption derrière le luxe et le charme.

Parce que, oui, tout s'achète.

 

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Même Christine va payer au prix fort son commerce.

Lorsque sa vie secrète sera exposée au grand jour son retour "au bercail", lors de l'anniversaire de mariage de ses parents, écrira l'épisode le plus fort de la série. Un très grand moment de solitude et d'incommunicabilité intra-familiale. Trente minutes, froides, cruelles et silencieusement bouleversantes. En treize épisodes, The Girlfriend Experience dépeint une misère invisible, cachée sous le vernis de l'argent et du pouvoir. Un isolement que seule la rage de l'étreinte, dans sa forme la plus brutale et transgressive, parviendrait à briser. Libération illusoire et factice. La saison 1 s'achève logiquement sur ce sentiment d'impuissance. Après une furtive et mécanique séquence de masturbation, le visage de poupée de Christine pose alors un regard impénétrable sur un New-York fantomatique.

 

Il y a du Kubrick ici. Pas celui d'Eyes Wide Shut Mais celui de 2001. L'opacité morale du personnage et la rigueur clinique de la mise en scène nous immerge dans un monde ou le vide fait le plein. Christine Reade m'apparait ainsi comme le monolithe du chef-d'oeuvre de maître Stanley, concentrant autant le mystère que l'absence de sens.

C'est beau, triste et glaçant.

 

 

 

 Francisco,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dispo en Blu-ray US. Zone free non vérifiée 

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2016 -

 

13 x 30 mn

 

 

 

L'image         Visionnée en VOD sur le bouquet OCS GO, l'image oscille entre froideur numérique, lisse et détaillée le jour, aux couleurs chaudes et aux univers feutré des scènes nocturnes ou un léger grain s'invite. Tout cela devrait trouver un écrin de choix une fois couché sur support Blu-ray. Mais le caractère dérangeant, exigeant et expérimental de l'ensemble laisse peu d'espoir quand à un transfert France... On tient pourtant là, une authentique oeuvre d 'art.

 

 

 

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25/09/2016
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