LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

LES CHRONIQUES DE FRANCISCO & Co

ALIEN COVENANT, manifeste romantique

SF      Fantastique        Horreur

Ridley Scott

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-  If you created me, who created you? ...  You will die, i will not.

 

 

 

Défier et dérober le feu des Dieux pour plus de vie. 

Aux portes des grandes oeuvres, la scène d'introduction condense souvent à elle seule le propos et le ton du film.  Ainsi donc il sera question de volonté de puissance, de création et de mort.

 

Ce mythe Prométhéen irrigue une grande part de la filmographie de Ridley Scott depuis l'incontournable Blade RunnerDans la chaotique, inégale mais fascinante saga Alien, ce parcours de damné, résultant au final de la volonté de puissance, condamne l'ensemble des protagonistes. Seule survivante des carnages d'un Alien sans cesse "ressuscité": Ripley. Survivante? Non. Ripley est un personnage damné. Une guerrière en enfer, condamnée à revivre sans cesse (quatre films durant) le même supplice. (Prométhée, attaché à son rocher et se faisant chaque jour dévorer le foie par L'aigle du Caucase avant que celui-ci ne repousse dans la nuit) Subir les assauts du monstre jusqu'à porter les germes de la destruction.

 

Depuis Prometheus et aujourd'hui avec Alien Covenant les humains ne sont plus que des jouets. David, l'androïde, l'avatar des hommes, fruit du progrès technologique, a prit le dessus. (Bien vite nous allons réaliser à quel point ces nouvelles oeuvres tant décriées sont prophétiques et augurent d'un avenir presque immédiat où l'intelligence artificielle gouvernera totalement et définitivement nos vies) À trop s'approcher de la création divine, les humains ont allumés le brasier de leur propre destruction. L'androïde, d'abord allié et outil d'exploration ne peut résister au désir de puissance. Il acquiert sa liberté et se fait lui même créateur et donne naissance à une créature d'apocalypse. Alien Covenant plonge aux racines et déroule de manière implacable la mécanique du Mal. 

 

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David, modèle d'intelligence artificielle, superbement incarné par le magnétique Michael Fassbender, échoué sur la planète des ingénieurs (créatures apparues dans Prometheus, à l'origine de l'apparition de l'homme sur Terre) a semé la mort et la désolation. Geste de subversion radical.

Roi fou, personnage Shakespearien, Coppolien, Frankensteinien, le David (ayant terrassé son Goliath) règne sur une terre ou ne résonne aucun chant d'oiseau ni cri d'animaux. Les seules sources de vie ne sont que les effluves microscopiques de germes tueurs. Inhalés, ils donnent naissance à la bête immonde, condamnant son porteur à une mort atroce et écumante.

Oui, amateurs de sensations fortes, soyez rassurés, le contrat gore du survival est ici respecté !!!

Véritable "Colonel Kurtz" des confins de l'espace, David, L'ex robot exemplaire, a donc consacré les dix ans de son isolement à concevoir le prédateur ultime. Celui par qui surgit l'horreur. (Autre référence saillante, il plane d'ailleurs dans la nécropole les mêmes ombres et lumières que dans l'antre de "l'ogre"d'Apocalypse Now.) La seule survivante du Prometheus, que le spectateur s'attendait à retrouver, n'est plus de ce monde. La malheureuse a servi de cobaye à ce docteur Frankenstein.

Les repères s'effacent et l'espoir s'évanouit.

 

 

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Ce parcours de survival est écrit d'avance et s'exécute avec une logique aussi implacable que prévisible. Débarqués dans cet univers aux cieux bas et lourds et prisonniers d'une lugubre nécropole peuplée de cadavres fossilisés, on comprend très vite que l'équipage du Covenant est d'emblée condamné. Non, ce qui me fascine ici, au-delà du spectacle gore aux effets particulièrement aboutis, c'est la profonde et envoûtante beauté de ce grand film morbide.

 

Disons-le, la direction artistique de l'ensemble est exemplaire. Le travail accompli est absolument gigantesque. Esthétiquement, des paysages aux forêts opaques et silencieuses, aux lacs troubles et pâles jusqu'à la sinistre nécropole où sur la grande place centrale les cadavres fossilisés des ingénieurs semblent encore hurler de douleurs, l'obscurité et les ténèbres n'ont jamais été aussi belles! L'admirable sens du cadre de Scott allié au talent phénoménale du directeur photo Darius Wolski (Prometheus, Dark City, Exodus) délivre, une fois encore, une somptueuse collection de tableaux de maître.

 

 

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Wagner, Byron, Shelley.

Les citations et références à ces trois grands noms (figures majeures) du romantisme gothique donnent le ton. J'insiste, côté musique (mythe prométhéen toujours) sur le segment l'Entrée des Dieux au Valhalla, issue de L'Or du Rhin de Richard Wagner... Cet élan romantique traduit bien la soif d'absolu qui habite l'androïde David. Or, l'élan subversif aspirant à repousser les limites et à plonger dans l'inconnu a toujours été le berceau de l'inspiration visionnaire de Ridley Scott depuis ses débuts de cinéaste. Défier la mort et le néant.

 

C'est bien le mouvement romantique qui, à l'initiative de Byron et dans sa volonté de terroriser le bourgeois, donna naissance au roman gothique. Source de toute la culture Fantastique, SF et horrifique à venir. Un mouvement dont le Frankenstein de Mary Shelley (amante de Byron) reste l'emblème. Un roman dont le sous-titre était "Le Prométhée Moderne". Tout se recoupe et se rejoint. C'est cette fameuse permanence des mythes qui habite l'oeuvre de tous les grands créateurs (qu'ils en soient conscients ou non). Ridley Scott est un homme de lettres, au grand désarroi des geeks intégristes et des bouffeurs de pop-corn qui ont sortis les armes devant ce survival pour esthètes. Son film déroute et divise, comme tous les manifestes. Ici on flingue, on dévore, mais ce n'est pas pour les neuneus.

 

Je lis également Alien Covenant comme une oeuvre profondément nihiliste et enragée. L'effroi, l'horreur, la souffrance et, au terme de la douloureuse "révélation", la mort.

Voilà ce qui attend l'équipage du Covenant. Une constante dans tous les films de la Saga sauf qu'ici l'équipage est essentiellement composé de couple. La notion de Deuil s'impose et je ne peux pas alors m'empêcher de lire ici (Ridley Scott travaille étroitement avec les scénaristes et propose souvent l'idée-racine du récit) le propre pessimisme et la propre colère de Scott. Celle du deuil.

 

Depuis la mort de son frère, Tony, avec qui il partagea toute sa vie la passion de l'image et avec qui il avait fondé sa propre société de production Scott Free, les films de cet immense cinéaste oscillent entre un côté sombre et violent (Cartel, Alien Covenant) et une recherche purement formelle (Exodus) débouchant parfois sur l'égarement et une douloureuse sénilité scénaristique (Seul sur Mars). Je fais peut-être de la psychologie de bazar, mais j'ai le sentiment, par cette succession de scène terribles où chacun voit son amour déchiqueté, que Ridley Scott exprime ici amertume, rage et chagrin. 

 

 

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Oui, Ridley Scott est un immense cinéaste. Un génie de l'image. Alien, Blade Runner. On n'avait pas fait mieux depuis le 2001 du génie Kubrick. Thelma et Louise est un phantasme extatique de road-movie et le souffle épique totalement euphorisant de Gladiator a littéralement ressucité le péplum. Même si ces derniers films n'ont pas la puissance des chefs-d'oeuvre que je viens de citer ils restent de grands moments de cinéma. Au coeur de la noirceur de Covenant, se dessine le refuge où Scott reprend souffle et inspiration. Je vais à mon tour citer L'Or du Rhin de Richard Wagner et faire résonner le dernier chant des nymphes : 

 

  Dans ces profondeurs seules

  on est tendre et fidèle

  Ce qui rit là-haut est perfide et lâche !

 

 

Francisco,

 

 

 

 

 

 

 

Fabriquer du mythe                                                                                    Like Stories of Old

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L'avis de Ghostdog

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Tout comme Prometheus, Covenant devra être reconsidéré avec le temps.

C'est une grande réussite.

 

L'Alien est le seul prédateur qui chasse non pas pour se nourrir mais pour se reproduire. Aujourd'hui encore, il règne seul en maître sur cette prédation. Scott aborde ici explicitement la reproduction, chez l'humain mais aussi chez l'Alien dont la silhouette définitive la plus avancée est sans équivoque. Qu'il est également intéressant de renouer avec l'ordinateur de bord "Mother" et que le fils, l'androïde de bord, ait à nouveau un sang comparable au lait maternel.

Manifeste romantique ?

Assurément. Et dans son sens premier.
Mais, au delà de la récurrence wagnérienne, ce qui m'a réellement frappé, ce sont les jardins de David où est enterrée la très humaine professeur Shaw. Ils sont en effet la réplique parfaite du tableau "L'île des morts" peint par Arnold Böcklin à la fin du XIXème siècle. Sur ce tableau, l'île, un endroit hors de tout, hors du temps, est pareillement drapée de nuit. Face à elle, une barque où se tient un unique et mystérieux passager recouvert là aussi par la capuche de son linceul.
A l'évidence ici, cet occupant, conduit par Charon, s'est bien engouffré dans l'île, en a pris possession et y attend l'humanité. Au fil du temps, ce tableau sera réinterprété par d'autres artistes y compris par Giger lui-même. Un des Alien les plus dark depuis Alien mais aussi le plus féroce.

 

 

Ghostdog,

 

 

  

 

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Chroniques   Ridley 

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2017

 

2H

 

 

LE BLU-RAY : Un niveau de détail terrassant. Redoutables de précision les tableaux de sir Ridley enflamme la rétine. Obscure clarté de la HD... Un top-démo d'une élégance rare. (Merci à l'éditeur pour le Steelbook)

 

 

 

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(based on characters created by), (based on characters created by) | 4 more credits »
 

 

 

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17/09/2017
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